Guinée équatoriale : quand l’opposant Moto accuse Obiang de crimes, Mifumu dégaine
L’ambassadeur de Guinée équatoriale à Paris a répondu mardi à la coalition d’opposants en exil, dont Severo Moto Nza, qui ont publié une liste de 310 supposés assassinats « politiques » perpétrés sous le régime du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Un tohu-bohu bienvenu, à quelques semaines de la candidature de Teodoro, au pouvoir depuis 37 ans ?
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Coup réussi ! Après la charge d’Amnesty international en mars 2014, qui dénonçait les tortures et les exécutions de prisonniers, la Coalition pour le retour de la démocratie en Guinée équatoriale (Cored) a diffusé une liste de « 310 victimes assassinées par le régime du président Obiang ». Le lendemain, l’ambassadeur de Guinée équatoriale à Paris, Miguel Oyono Ndong Mifumu, un proche d’Obiang plusieurs fois ministre et toujours en verve, s’est fendu d’une conférence de presse afin de « réagir avec violence à ces accusations violentes ».
Parmi les opposants en exil à l’origine de la charge, Severo Moto Nza, 162 années de prison par contumace au compteur, soupçonné par le pouvoir d’avoir fomenté au moins deux coups d’État, dont l’un rocambolesque avec les barbouzes Nick du Toit et Simon Mann. À la suite de leur conférence de presse parisienne, le 11 octobre, l’AFP avait diffusé largement une dépêche (mais pas la liste). RFI et Jeune Afrique, notamment, reprennent succinctement l’information, n’ayant que deux noms à se mettre sous la dent : Bonifacio Nguema Esono Nchama (l’oncle de Constancia, la Première dame), décédé non loin de Malabo au début de l’année, et le Français André Branger, un coopérant français assassiné en 1993 dans la capitale équato-guinéenne.
« Aucun complot »
« Nguema Esono était en exil, entretenu par sa nièce avant de rentrer sur invitation du président Obiang, a rétorqué l’ambassadeur. Il était malade, son décès est dû à un traitement qu’il n’a pu prendre à temps. Il n’y a aucun complot la dedans. » Quant au Français : « Croyez-vous que la justice française aurait accepté que l’un de ses ressortissants décède dans des circonstances suspectes, sans entreprendre des investigations ? »
Nous réfutons cette liste, dans laquelle il y a même des personnes toujours en vie !, s’exclame Mifumu
À y regarder de plus près, la liste (finalement diffusée par Mifumu) soulève de nombreuses questions : certaines de ces victimes sont mortes en 1968, soit plus de dix ans avant l’arrivée au pouvoir de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, en 1979. « Durant ces années, le pays était aux mains de son oncle, Macias, et Obiang était un sergent de l’armée qui, au minimum, a supervisé ces assassinats », répond Salomon Abeso Ndong, le président de la Cored contacté par Jeune Afrique.
Le locataire de l’ambassade à Paris s’interroge également : « Je vois dans cette liste le premier ambassadeur de Guinée équatoriale en France, Julian Esono Abaga : c’était un ami de la famille Obiang ! Il a été victime d’un crime crapuleux perpétré par des membres de sa propre famille, en Guinée équatoriale, dont le mobile était les 8 millions de F CFA qu’il venait de récupérer pour financer sa candidature aux législatives. Il n’y a aucun mystère, les responsables ont été jugés, et emprisonnés. Bref. Nous réfutons cette liste, dans laquelle il y a même des personnes toujours en vie ! » Des noms ? « Nous vous les transmettrons. » Fin de la messe.
Du côté de chez le juge
L’affaire se déplacera-t-elle sur le terrain judiciaire ? Le porte-parole de Malabo assure que le gouvernement « y réfléchit ». Du côté de la Cored, « nous avons récupéré des preuves, des témoignages accablants… Nous sommes en train de constituer un dossier avec des avocats et voir dans quelle mesure nous pourrions poursuivre le président Obiang pour tous ces meurtres », précise Salomon Abeso, sans toutefois vouloir donner le nom des avocats en question.
Finalement, la polémique tombe à pic : les dates du prochain scrutin présidentiel, prévu l’année prochaine, devraient être annoncées le 8 novembre ; et du 10 au 12 novembre, le parti au pouvoir devrait officialiser la candidature de Teodoro Obiang Nguema, 73 ans, à sa propre succession. Ou comment faire du tintamarre, même à 10 000 km de Malabo.