Les vrais dessous de la libération
d'Air Obiang
La France fait cauchemarder la
famille Obiang. Alors que son fils aîné
"Teodorin" vient d'être renvoyé en procès à Paris dans le dossier des
Biens Mal Acquis (BMA), Teodoro Obiang Nguema a été empêché de se
rendre dans la capitale française, le 10 octobre, pour remettre son prix à l'Unesco. La raison ? Son Boeing avait été saisi la semaine
précédente à Lyon. Le vaudeville judiciaro-aérien a été résolu in extremis par
le Maroc, mais va laisser des traces profondes sur la relation bilatérale.
Manuel Valls alerté •
Le Boeing 777-200 de Teodoro
Obiang Nguema a atterri à Lyon comme à chaque séjour du président
équato-guinéen à Genève, l'aéroport local ne pouvant accueillir ce type
d'appareil sur son sol en raison de la densité du trafic. Dès son atterrissage,
le 30 septembre, l'avion immatriculé CS-TQX a été saisi par les huissiers de
l'étude A3 Juris, située au cœur de la ville
lyonnaise. Ils intervenaient au nom d'Orange, qui cherche depuis plusieurs
années à recouvrer 131 millions d'euros issus d'un contentieux avec Malabo.
Selon nos informations, les autorités équato-guinéennes ont aussitôt contacté
les services de Manuel Valls pour gérer cet incident.
Ancienne colonie hispanique d'Afrique, la Guinée équatoriale tente de faire du
chef du gouvernement, espagnol d'origine, son relais à Paris. Le conseiller
Afrique du premier ministre français, Ibrahima Diawadoh N'Jim, s'est lui-même
proposé pour gérer la situation n'hésitant pas à rester en contact, y compris
dans la nuit, avec Malabo. Toutefois, cette saisie ayant été effectuée sur la
base d'une décision de justice, l'éminence grise de Manuel Valls (voir notre
dossier ICI) n'a finalement rien pu faire. Les
autorités équato-guinéennes ont également contacté l'Elysée qui leur a opposées
la même réponse.
Négociations •
Ces "offres de service"
étaient toutefois inutiles. Assigné par l'Etat équato-guinéen le 7 octobre
devant le Tribunal de grande instance de Lyon afin d'annuler cette saisie,
Orange a décidé, entre-temps, de se rétracter. De fait, la mainlevée a été
prononcée le 11 octobre et l'appareil libéré à 17 heures. Quelques jours plus
tôt, les conseillers d'Obiang avaient négocié dans le plus grand secret un
compromis avec Bruno Mettling, responsable Afrique et
Moyen Orient (AMEA) de l'opérateur français. Tout en protestant, Obiang Nguema
a brièvement introduit cette réunion avant de laisser les discussions s'ouvrir
sans lui. Après plusieurs heures, Malabo a décidé de régler sa condamnation,
conformément à une décision de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris,
en 2014, rendue exécutoire par un arrêt de la Cour d'appel de Paris, en
plusieurs tranches non sans avoir aménagé des garde-fous. Si la Cour de
cassation française, actuellement saisie par Malabo, venait à désapprouver
l'arrêt de la Cour d'appel, Orange se verrait contraint de restituer les sommes
versées.
Appui marocain •
La libération inattendue de son avion
n'a toutefois pas convaincu le chef de l'Etat équato-guinéen de regagner son
pays avec le même appareil. Craignant des problèmes techniques et de sécurité
sur le Boeing après son immobilisation durant plusieurs jours, il a directement
appelé le roi Mohamed VI pour que ce dernier affrète un
appareil. Le Maroc, qui entretient des relations historiques avec l'émirat
pétrolier d'Afrique centrale depuis le règne d'Hassan II, a aussitôt répondu favorablement.
De son côté, "Teodorin", vice-président de Guinée équatoriale, n'a
cessé de téléphoner à son père pour lui proposer de venir le chercher avec un
autre Boeing de la compagnie nationale Ceiba Intercontinental. Ce nouvel
incident, jugé particulièrement humiliant par les Obiang, ne risque guère
d'améliorer la relation avec Paris au moment où l'affaire des BMA a fait chuter
les intérêts hexagonaux dans le pays. Bienvenue au nouvel ambassadeur de France
à Malabo, Fred Constant !